Patrick Peter serait-il béni des dieux de la météo ? Non, me répondront ceux qui sont repartis du dernier « Le Mans Classic » en essorant leur t-shirt à la main. Oui, me diront ceux qui étaient à
Chantilly le 6 septembre dernier pour la seconde édition du meeting « Arts & Élégance ».
Pour ceux qui auraient raté le premier épisode, rappelons que Chantilly Arts & Élégance permet à toute la famille de trouver son bonheur dans un cadre splendide. Les voitures sont belles, les
femmes sont belles et même nos belles têtes blondes se régalent, nous y reviendrons…
Au moment de faire les comptes, cette année 2015 s'avère être en nette progression. Chantilly Arts & Élégance a accueilli 13500 visiteurs, soit une fréquentation en hausse de 35% par rapport à
l'an passé. Visiblement les quelques critiques formulées l'an dernier ont été écoutées. Les ateliers étaient plus faciles à trouver, notamment.
Même Patrick Peter le reconnaît :
« Nous nous sommes concentrés à améliorer les détails perfectibles de l’an dernier pour présenter en 2015 un évènement encore plus abouti. La présentation était plus soignée, le déroulement du défilé
plus fluide et plus concentré. La Fondation Aga Khan (pour la sauvegarde et le développement du domaine de Chantilly) nous a été d’une aide précieuse dans la tenue de cette nouvelle édition. »
Je croise donc les doigts pour que Chantilly Arts & Élégance 2016 ait lieu encore une fois sous le soleil. Les talons hauts et la pelouse tendre ne font sans doute pas bon ménage.
Ah, oui, encore une chose. Pourquoi ne pas faire durer le plaisir pendant deux jours ?
Maintenant le décor planté, plutôt que de vous dérouler la liste des plateaux et des voitures exposés, j’ai préféré n'en sélectionner que cinq. En fonction de leur intérêt, de leur rareté, de coups de cœur, sans oublier l’incontournable « Best of show »…
C’est lors de la grande dépression des années 30 que Gabriel Voisin et l’ingénieur André Noël conçoivent la C 28 Aérosport. Au salon de Paris 1935, elle éclipse la concurrence. Avec sa ligne
ponton, elle préfigure un style que d’autres découvriront vingt ans plus tard !
Très peu d’Aérosport ont été construites. A peine plus d’une dizaine, peut-être moins, sur des châssis de C28 surbaissés. Personnellement, je n’en connais que deux. Celle-ci et une voiture légèrement
différente, bleue, longtemps restée en possession d’Antoine Menier (les chocolats).
La voiture exposée par Philippe Moch, grand spécialiste des Voisins, est la reconstruction de la voiture exposée au Salon de Paris. Elle est considérée comme le prototype des Aérosport. Basée sur un
châssis de C28, elle dispose d’un moteur 6 cylindres sans soupapes de 3,3 L et d’une boîte « Cotal ». Engagée dans la catégorie « Intérieurs Iconoclastes », elle est repartie avec le Prix spécial du
jury, la troisième place.
Présentée en janvier 1965, l’AC Cobra 427 affiche des chiffres de performance hors-normes, notamment un 0 à 100 en 4,3 secondes. Bien que déjà très impliqué par le projet GT 40, Carroll Shelby
veut quand même faire homologuer sa Cobra 427 pour le Championnat du Monde des Constructeurs. Dans ce but, il commande à AC les 100 voitures requises mais lors du passage des inspecteurs de la FIA,
seuls 51 châssis ont été livrés et les voitures ne sont pas toutes construites. La Cobra est donc refusée.
Shelby se retrouve alors avec de nombreuses Cobra 427 Racing difficilement vendables car très chères. Les voitures n’étant pas achevées, il décide de terminer leur fabrication en version S/C, « semi
compétition ». Sur les 51 châssis déjà construits, 20 ont donc été vendus en version course et 31 en version S/C, toutes ont reçu des culasses aluminium. Elles s’illustreront au sein du championnat
SCCA aux Etats Unis de 1965 à 1968.
La 427 exposée par Jack Roderick me laisse perplexe… Annoncée comme voiture de l’écurie Suisse Filipinetti (fondée par Georges Filipinetti en 1962), la présence de boîte à gants, de vide poches et même d’un cendrier paraît étonnante car normalement les 427 Racing en sont dépourvues. Peut-être le fruit d’une restauration trop «luxueuse»…
En 1947, Dante Giacosa est chargé par Fiat de concevoir une nouvelle voiture destinée au marché nord-américain. Son étude prévoit un moteur 8 cylindres mais au bout du compte, le projet "106" et
le prototype réalisé par Pininfarina ne sont pas retenus. En revanche, Giacosa conserve dans ses cartons son V8 de 1996cm3, persuadé qu’il peut être utilisé dans d’autres voitures.
Il ne manque pas d'originalité, avec ses échappements remontant vers le haut. Souple et puissant, il fait ses débuts en 1952 sur la Siata 208 CS avant d'équiper la Fiat 8V. Celle-ci, conçue pour
promouvoir l'image de la marque, n'a pas manqué de s'octroyer quelques beaux succès sportifs, comme le Championnat d'Italie 1954 en catégorie 2 litres. Il faut dire que le V8 est capable de
développer plus de 120 chevaux lorsqu’il est muni de 3 carburateurs. Avec son châssis tubulaire et ses suspensions à quatre roues indépendantes, elle avait des qualités prometteuses, mais en raison
de ses faibles ventes, Fiat décide de mettre un terme à l’aventure en 1954. Produite à 114 unités, la 8V a été carrossée par Fiat mais aussi des indépendants comme Ghia, Vignale, Bertone, Pininfarina
et Zagato.
L’entreprise a en effet acheté 32 châssis dont quatre étaient déjà en partie carrossés. Ceux-ci ont donc été modifiés (Elaborata), c’est le cas de la voiture dont nous parlons, châssis 026. Elle a
reçu un habitacle rabaissé « double bulle » en aluminium.
Après avoir été importateur Ferrari et concessionnaire BMW, Lancia et Bentley pendant de nombreuses années, Peter Monteverdi finit par créer sa propre marque en 1967.
Son premier modèle, le coupé Grand Tourisme 375 S High Speed rencontre un vif succès. Disposant d’un V8 Chrysler 7,2 litres magnum de 375 SAE, c’est une biplace aussi jolie que rapide. Cela dit, la demande d’une voiture plus spacieuse et dotée de 4 places va pousser Monteverdi à présenter un nouveau modèle en 1969, la 375 L High Speed 2+2. C’est sur cette base, rallongée, que sera créée la Monteverdi 375/4 High Speed en 1971. Avec deux portes de plus, la 375/4 est une berline spacieuse, raffinée et rapide puisque toujours dotée du V8 Chrysler 440 Magnum.
La voiture présentée ici, a appartenu à la famille royale du Qatar, qui en aurait possédée cinq, en tout. De couleur rouge, dans les années 90, elle a été rapatriée en Angleterre par son précédent
propriétaire et sort à peine de restauration.
Comme beaucoup de Monteverdi, difficile de savoir à combien d’exemplaires la 375/4 aurait été construite, on parle d’une grosse vingtaine de voitures, peut-être moins.
Présentée par le Evert Louwman, cette Mercedes de 1936 est repartie avec le titre le plus convoité. Belle publicité, pour ce musée situé près de la Haye aux Pays-Bas et regroupant plus de 260 voitures sur dix mille mètres carrés et trois niveaux. Œuvre de Piet Louwman et aujourd’hui de son fils Evert, elle regroupe de nombreuses Ferrari, Aston Martin, Jaguar (dont une XKSS de 1957) mais aussi la plus importante collection au monde de Spyker (première période entre 1899 et 1925) ainsi qu’une salle entière dédiée à Bugatti.
Clou du Salon de l'Automobile de Berlin 1934, la 500 K et ensuite sa remplaçante la 540 K, a probablement été la Mercedes de production la plus remarquable des années 30.
Elle est équipée d’un moteur à huit cylindres en ligne de 5 018 cm3 épaulé par un compresseur Roots. Enfoncer la pédale d’accélérateur à fond permet d'embrayer le compresseur et de couper
l'alimentation atmosphérique du carburateur. La 500 K développe 100 chevaux avec alimentation atmosphérique et 160 avec le compresseur engagé, frôlant alors les 180 km/h. Elle a été construite à 342
unités dont seulement 29 Special Roadster.
La Mercedes-Benz 500K Special Roadster du Musée Louwman, s’est vu attribuer deux prix :
- Mercedes de 1924 à 1942 : 4, 6 et 8 cylindres à compresseur.
- Et le très recherché « Best of Show 2015 ».
Clou de la vente, la célèbre Maserati Boomerang de 1971 s’est envolée à 3.289.500€. Ce concept car unique au monde est totalement opérationnel, il emprunte la plate-forme mécanique et le V8 4,7 litres de la Maserati Bora. L'habitacle est doté d’un tableau de bord ultra moderne où tous les instruments sont regroupés au centre du volant, dégageant ainsi la planche de bord.
Parmi les nombreuses autres voitures vendues ce jour là, on peut retenir une Maserati Mexico 4.7 unique de 1968 (646.300 €), une Mercedes-Benz 500K Cabriolet C de 1934 (635.100 €), une Ferrari 250 GT
Coupé de 1959 (623.900 €), une Bugatti 57 cabriolet de 1938 (1.232.000 €) ou encore une Citroën DS 19 Cabriolet de 1961 (241.500 €).
Une première édition à Chantilly qui s’avère donc être un succès pour BONHAMS.
Philippe Despont.